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  • Photo du rédacteurVéronique Borgel-larchevêque

La dépression post-partum

En tant que psychologue spécialisée en périnatalité, je reçois beaucoup de mères qui me consultent parce que « ça ne va pas trop en ce moment ». Au fil de l’échange, je constate souvent que ce « ça ne va pas trop » est en fait l’expression d’une dépression, d’un trop-plein ou d’un vide, d’un sentiment de grande tristesse, voire de désespoir envahissant, d’un sentiment de solitude.


Pourquoi la dépression post-natale touche-t-elle autant de femmes ? Comment la reconnaître ? Comment s’en sortir ?


Je vais tenter de vous en parler brièvement, avec mes mots de psychologue, d’après mon expérience et ce que j’en ai appris.


Cet article ne se substitue pas à un diagnostic médical et psychologique. Il s’appuie sur différentes théories et pratiques.


Introduction


On parle de plus en plus de la dépression post-partum, et c’est tant mieux. J’utiliserai ici le terme de dépression « post-natale » ou « post-partum » sans faire de réelle distinction. Le premier terme signifiant que c’est une dépression survenant après l’accouchement, le second survenant au moment du post-partum (de la naissance au retour des règles).

Finalement, il est entendu que les dépressions post-natales surviennent après l’accouchement et dans la première année suivant l’accouchement.


Ce qui me semble important, c’est de comprendre que les symptômes dépressifs sont liés à la fonction et au rôle de mère, qu’ils sont aussi liés aux circuits hormonaux en jeu au cours du post-partum, et qu’ils sont souvent la conséquence d’une séparation psychique.


Définition


D’abord, il ne faut pas confondre le blues du post-partum (couramment appelé « baby blues ») et la dépression post-natale.


Le blues du post-partum touche la majorité des femmes après leur accouchement. C’est un phénomène universel sans gravité ni incidence pathologique. Ça serait presque l’absence de blues du post-partum qui pourrait surprendre (sans être pour autant pathologique). Attention cependant aux termes utilisés : un blues du post-partum « sévère » pourrait être précurseur d’une dépression post-natale.

Le blues du post-partum dure une dizaine de jours maximum. On constate en général un pic de tristesse vers 3-5 jours post-partum. Il se distingue d’un épisode dépressif par ses symptômes, sa durée et sur le plan neurobiologique.


Les dépressions post-natales concernent 10 à 20% des naissances, en fonction des études. C’est une maladie extrêmement fréquente, mais encore trop méconnue.

La dépression post-natale peut survenir à tout moment pendant la première année suivant l’accouchement. De plus, on commence à parler de dépression post-natale lors du sevrage de l’allaitement.


Les dépressions post-natales se caractérisent par les symptômes suivants :

- Trouble de l’humeur (tristesse)

- Auto-culpabilisation (en lien avec le rôle de mère)

- Fatigue, troubles du sommeil (difficiles à évaluer compte-tenu du contexte avec un nourrisson)

- Désinvestissement

- Anhédonie (perte de plaisir)

- Parfois idées de mort, voire suicidaires

Le phénomène de culpabilisation est en général majoré par l’idéalisation de la naissance et de la maternité qu’ont pu se faire la mère, le co-parent, l’entourage, voire les soignants.


Grossesse physique et grossesse psychique


Accoucher, c’est faire le deuil de l’objet intérieur, c’est-à-dire faire le deuil des imagos, des fantasmes, des désirs d’avant dans la vie psychique de la femme. A l’accouchement, il n’y a « plus » qu’un objet extérieur, le bébé : il faut faire sans les fantasmes qui l’avaient habillé pendant la grossesse.


La mère va vivre de nombreuses séparations avec son enfant, des séparations physiques et des séparations psychiques. Selon l’état émotionnel de la mère, selon le soutien dont elle bénéficie, selon son fonctionnement psychique, la séparation peut être insupportable pour elle, d’où un effondrement psychique et une dépression post-natale. Toutes les séparations vécues par la mère peuvent être à l’origine d’une dépression post-natale.


Que l’on soit familier.e ou non de l’approche psychanalytique, cette théorie peut nous éclairer sur certains enjeux au moment de la naissance. Une fois qu’elle a accouché, la femme devient mère, et la mère de cette femme devient grand-mère. C’est une génération qui pousse l’autre vers la mort (il existe d’ailleurs de nombreuses recherches sur les décompensations somatiques en devenant grands-parents).

Il y a une sorte de transgression des rôles avec un enjeu oedipien : l’enfant qui tue son parent. Cette transgression, et cette dette de vie, peuvent être très mal vécues par certaines mères qui culpabilisent, plus ou moins consciemment.


Au final ce moment heureux de la mise au monde est aussi un rappel que la mort existe. Lorsque l’on met au monde quelqu’un, on le condamne à mourir un jour. C’est intériorisé chez tout le monde, c’est accepté et c’est le cycle de la vie. Pour certaines, cette prise de conscience peut être dramatique et l’ambivalence que cela engendre peut déclencher un véritable séisme psychique.


Conséquences possibles de la dépression post-natale sur le lien mère-enfant


Attention: je fais ici état de ce qui peut arriver en cas de dépression post-natale. Il se peut aussi qu'il n'y ait pas de conséquences sur l'enfant.


On remarque souvent chez l’enfant des signes qui traduisent les symptômes de sa mère. Lorsque l’on voit un bébé qui présentent de nombreux symptômes somatiques (troubles digestifs, d’endormissement, cris…), c’est parfois un enfant qui tente de « réveiller » sa mère qui s’éteint dans la dépression. Par ailleurs, un enfant « facile », qui « ne dérange pas » (dort beaucoup, hypotonique, peu en demande…) peut être un enfant qui, en réaction aux symptômes dépressifs de sa mère, ne va pas trop lui en demander afin de ne pas la fatiguer davantage.


Ces deux cas peuvent être constatés lors d’une visite chez les pédiatres et généralistes : il est important alors de demander à la mère comment elle se sent, au risque de passer à côté d’une dépression post-natale.


La relation mère-enfant est une relation ambivalente : l’enfant est un rival de l’enfant que la mère a été avec sa propre mère. Cette nouvelle relation peut faire revivre des situations qui ont été difficiles, ou bien provoquer de l’envie, ou encore un sentiment de persécution.


Exemples d'interactions mère déprimée-enfant :

- Lenteur de la mère, repli, grande tristesse

- Enfant qui tente de ranimer sa mère, ou au contraire de se retirer afin de l’apaiser

- Discontinuité, imprévisibilité de la mère

- Formes anxieuses de la dépression post-natale : hyperstimulation de l’enfant, discordances

La mère est présente physiquement mais comme absente psychiquement.


Conséquences possibles d’une dépression post-natale de la mère non prise en charge et non traitée sur le développement du bébé :

- Troubles de l’humeur (dépression, anxiété…)

- Troubles de l’attachement

- Troubles attentionnels, hyperactivité

- Conduites addictives à l’adolescence

- Difficultés scolaires, difficultés d’apprentissage


Le traitement de la dépression post-natale


Les études révèlent des facteurs de risques de dépression post-natale :

- Reprise de travail trop précoce et sevrage ; risque de se précipiter et de fuir

- Condition socio-économiques défavorables

- Deuils périnataux

- Antécédents de dépression

- Prématurité de l’enfant, hospitalisation du nouveau-né, même brève

- Grossesse gémellaire (30-50% des dépressions)


Les femmes présentant ces facteurs de risque doivent être d’autant plus accompagnées tout au long de leur grossesse et de leur post-partum.


Je ne soulignerai d’ailleurs jamais assez l’importance de la prévention des équipes périnatales : leur rôle est primordial dans le dépistage.


On remarque de nombreuses difficultés dans la mise en œuvre du traitement dues à l’incrédulité de l’entourage et aux exigences de soins du bébé. La mère ne se sent pas forcément comprise par son entourage qui peut avoir tendance à banaliser certains symptômes (fatigue, auto-culpabilisation). De plus, la mère peut chercher à se concentrer davantage sur son enfant qui demande beaucoup d’attention et de soins, au détriment de sa propre santé.


Cependant, la période postnatale est très favorable au travail et au remaniement psychiques. C’est une période de changement et de développement qui a été amorcée par la grossesse et qui soulève de nombreux questionnements. On parle d’ailleurs de matrescence (voir post précédent).


Différentes thérapeutiques peuvent être proposées à la mère souffrant de dépression post-natale. Comme souvent, il me semble qu’un accompagnement pluridisciplinaire soit très important.

Il peut être prescrit des anti-dépresseurs (il en existe des compatibles avec l’allaitement le cas échéant) et/ou un traitement hormonal par un.e médecin.

En même temps, il est conseillé de consulter un.e psychologue qui saura accompagner la mère régulièrement dans son cheminement avec une thérapie de soutien ou une psychothérapie, en individuel ou en groupe.


Quelle que soit la thérapeutique choisie, elle doit être fiable et contenante, et doit permettre l’expression et l’élaboration des sentiments d’ambivalence maternelle.

De plus, il est vivement conseillé de mettre en place des visites à domicile par des professionnel.les formé.es et supervisé.es qui pourront représenter la tierce personne qui va « ranimer » la mère à la place de l’enfant.


Il s’agit de remettre la mère, et la femme, au centre des préoccupations de ses interlocuteur.ices. Il pourra aussi être important d’aborder l’accompagnement psychologique par le biais d’une approche systémique (familiale), le rôle du co-parent et le couple conjugal/parental.


Si vous pensez souffrir de dépression post-natale, ou que vous pensez que l’une de vos proches en souffre, contactez un.e médecin, sage-femme, puéricultrice.

La PMI, les associations telles que Maman blues, peuvent aussi vous écouter et vous orienter vers les professionnel.les à même de vous aider.

Enfin, les groupes de parole entre mères peuvent être un bon moyen d’échanger et de constater que vous n’êtes pas seule à en souffrir et que l’on peut s’en sortir.


Il n’est pas normal de ressentir une grande tristesse, de vous sentir épuisée, désespérée, plus capable, même si c’est courant : vous avez le droit d’être aidée et accompagnée, vous ne devez pas rester seule.


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